Blender est souvent associé à la modélisation technique, à l’animation ou au rendu de scènes complexes. Mais son potentiel dépasse largement les usages professionnels ou commerciaux. Il peut devenir un outil narratif, intime, capable de traduire en images des souvenirs ou des liens émotionnels qu’aucune photo n’aurait su capter.
Ce type de projet commence rarement par une idée graphique. Il naît d’un souvenir, d’un échange, d’un détail enfoui. Par exemple, une rencontre avec une femme colombienne (source) peut servir de point d’ancrage. L’objectif c’est d’exprimer un lien, un moment vrai, à travers des séquences visuelles construites avec attention. Mais comment ?

Avant de commencer : choisir ce qu’on veut raconter
Évitez les scènes floues ou trop chargées émotionnellement. Ce qui fonctionne bien dans Blender, ce sont les moments concrets : un trajet en bus, un dîner, un échange de regards. L’essentiel est qu’il y ait des éléments repérables dans l’espace, des gestes observables et une ambiance lumineuse ou sonore identifiable. Critères utiles pour faire le tri :
- Un seul lieu (chambre, terrasse, voiture…).
- Deux personnages au maximum pour limiter l’animation.
- Des objets simples (tasse, téléphone, rideaux…) que vous pouvez modéliser rapidement ou importer.
- Un déroulement court : 10 à 30 secondes suffisent.
Avant d’ouvrir Blender, notez :
- Les actions clés (ex. : elle s’assoit, regarde, se lève).
- L’agencement de l’espace (portes, fenêtres, sources de lumière).
- La lumière principale (matin doux, néon blanc, coucher de soleil…).
Conseil pratique : utilisez des photos de référence prises sur le moment, ou trouvez des images proches du souvenir pour guider la composition. Vous pouvez aussi faire un croquis simple avec les positions approximatives dans l’espace.
Structurer le souvenir en séquence visuelle
Commencez par écrire la scène comme une séquence de plans, chacun correspondant à un moment ou une action claire. Dans Blender, vous pourrez les créer sous forme de scènes séparées, ou en utilisant des marqueurs de timeline pour organiser l’enchaînement.
Exemple :
- Plan 1 : entrée d’un personnage dans une pièce — caméra fixe.
- Plan 2 : interaction avec un objet — caméra en légère contre-plongée.
- Plan 3 : moment de pause — gros plan, lumière ambiante réduite.
Utilisez Grease Pencil pour esquisser rapidement les cadrages. Il s’intègre directement à la 3D Viewport (passer en mode Draw), et vous permet de tester vos compositions sans modéliser tout de suite.
Construire l’espace dans Blender
Créez un environnement simplifié en utilisant Mesh primitives : cubes pour les murs, plans pour le sol, cylindres pour les objets secondaires. Ajoutez un Bevel Modifier sur certains objets pour casser les arêtes trop rigides.
Conseil : activez le mode “Material Preview” (Z → Material Preview) pour tester les ambiances sans lancer de rendu. Importez des objets depuis :
- BlenderKit (menu latéral → Add-ons → BlenderKit).
- Sketchfab (via l’add-on officiel ou export .glb).
Gardez la scène propre : organisez les objets dans le Outliner, nommez-les correctement, regroupez-les avec des collections.
Personnages et animation simple
Pour les personnages, partez d’un modèle basique :
- Human Generator (add-on gratuit avec rig).
- Ou un mesh low poly + rig manuel (Armature → Human → Meta-Rig → Generate Rig avec Rigify).
Utilisez l’Action Editor dans le Dope Sheet pour animer chaque plan séparément. Keyframe uniquement ce qui bouge : rotation de tête, déplacement, posture. Travaillez en pose mode, un plan à la fois.
Raccourcis utiles :
- I pour insérer une keyframe (loc/rot/scale).
- Shift + E → Ease type → ease in/out pour adoucir l’animation.
- Alt + G / R pour réinitialiser une pose.
Pas besoin de lip-sync ni de mouvement complexe pour une séquence émotionnelle courte.
Caméra et rythme dans Blender
L’utilisation de la caméra est centrale dans un récit visuel : elle définit le point de vue et le tempo. Chaque plan doit être pensé comme une prise unique, avec son propre cadrage, sa durée, son mouvement éventuel. Blender permet un contrôle précis, à condition d’isoler chaque intention.
Commencez simplement :
- Créez une caméra (Shift + A → Camera) et positionnez-la via Ctrl + Alt + Numpad 0 pour aligner la vue actuelle avec l’objectif.
- Activez ensuite le verrouillage (N → View → Lock Camera to View) pour naviguer dans la scène tout en gardant le cadrage actif.
L’animation de la caméra se fait dans la Timeline, avec des keyframes sur Location et Rotation. Ne multipliez pas les mouvements. Restez sobre, fluide, lisible. Pour ajouter de la douceur sans manipulation image par image :
- Ajoutez une Follow Path constraint sur la caméra, avec un objet Curve comme trajectoire.
- Ou bien, parent la caméra à un Empty, que vous animez à la place. Cela permet des ajustements rapides et un contrôle plus souple.
Montage et audio dans le Video Sequencer
Une fois les plans rendus (ou en preview via viewport animation), passez dans le Video Editing workspace de Blender. C’est là que vous construisez le rythme final et ajoutez les éléments sonores si besoin.
Importez les rendus via Add → Movie ou Add → Image Sequence selon votre méthode d’export. Le montage doit être sobre, cohérent avec le souvenir évoqué.
Fonctions essentielles :
- Découpez avec K (cut) pour ajuster la durée des séquences.
- Ajoutez des fondus (strip → modifiers → Fade In/Out) pour passer d’un plan à l’autre sans cassure brutale.
- Ajustez la durée de chaque plan en fonction de l’action, pas selon une durée fixe. Ne cherchez pas un tempo “idéal” : suivez la logique de ce qui se passe à l’image.
L’audio est un élément discret mais essentiel. Ajoutez uniquement ce qui est justifié :
- Add → Sound : importer un bruit de fond (rue, frigo, nature).
- Réglez le volume et la balance dans le panneau latéral de l’Audio Strip.
Évitez la musique de fond sauf si elle faisait partie de la scène d’origine. Le silence, parfois, fonctionne mieux que n’importe quelle piste sonore.
Export final
Quand la séquence est prête :
- Format : FFmpeg Video
- Container : MPEG-4
- Codec vidéo : H.264
- Audio : AAC
- Résolution : 1920×1080
- Framerate : 24 fps (cinéma) ou 30 fps (standard numérique)
Dans l’onglet “Output Properties”, vérifiez que le rendu se fait bien vers un dossier dédié (/tmp par défaut à modifier). Lancez ensuite le rendu final depuis Render → Render Animation.
Ce type de projet ne demande rien d’extraordinaire. Tout repose sur des choix simples — un lieu, deux personnages, quelques objets, un rythme lent. Aucun besoin de rendu photoréaliste ni d’animation complexe. Il suffit d’être précis, cohérent, et de prendre le temps de faire chaque étape proprement.